Retour sur le congrès ABF 2025

Notre collègue Sandy Vérin, de la bibliothèque de Sciences Po Bordeaux, a bénéficié d’une bourse pour assister au congrès de l’ABF 2025 à Montreuil sur la thématique de l’esprit critique. Voici sa synthèse de la conférence inaugurale et sa conclusion concernant sa participation au congrès. L’ABF Aquitaine la remercie grandement

La conférence inaugurale de Myriam Revault d’Allonnes

La conférence inaugurale de Myriam Revault d’Allonnes a brillamment ouvert le bal des Journées de l’Abf, offrant une introduction profondément philosophique à la notion d’esprit critique.

Loin d’une simple définition, elle a offert une exploration philosophique de l’esprit critique, en s’appuyant sur les travaux de penseurs emblématiques. En revisitant les apports de Kant et sa notion d’autonomie de la pensée, de Platon et sa quête de la vérité au-delà des apparences, ou encore de Hannah Arendt et son interrogation sur la banalité du mal et la nécessité de « penser », Mme Revault d’Allonnes a ancré l’esprit critique dans une lignée intellectuelle exigeante. Cette entrée en matière a clairement souligné que l’esprit critique n’est pas une simple compétence technique, mais une posture existentielle et citoyenne indispensable, d’une actualité brûlante face aux défis de nos sociétés.

La philosophe a également plongé au cœur des concepts de vérité et de post-vérité, des notions qui résonnent avec une acuité particulière dans le contexte politique mondial actuel. Cela révèle la fragilité de nos repères et la facilité avec laquelle les faits peuvent être manipulés ou ignorés. Au-delà, un danger majeur a été mis en lumière : la propension croissante à ériger l’opinion, aussi subjective et infondée soit-elle, au rang de vérité incontestable. Dans ce paysage où les faits sont contestés et où les chambres d’écho numériques renforcent les croyances préexistantes, la distinction fondamentale entre une opinion personnelle et une connaissance vérifiée s’estompe. Pour les bibliothèques, cela signifie une responsabilité accrue : comment naviguer dans cette ère où les récits alternatifs prolifèrent, et comment outiller les usagers pour qu’ils puissent distinguer le plausible du fallacieux, et surtout, séparer l’adhésion émotionnelle à une opinion de l’exigence de vérification rationnelle? Il ne s’agit plus seulement de fournir l’information, mais d’aider à déconstruire les narratifs, à interroger les intentions et à évaluer la robustesse des arguments, une démarche profondément philosophique et éminemment pratique.

Conclusion

Ces Journées de l’ABF à Montreuil ont été, pour moi, très enrichissante. Les conférences et tables rondes proposées ont offert un panorama dense et stimulant des enjeux actuels. De l’introduction philosophique de Myriam Revault d’Allonnes, qui a ancré la notion d’esprit critique dans une perspective intellectuelle profonde, aux débats plus concrets sur la déontologie professionnelle et la question parfois délicate de la désobéissance éthique, chaque session a apporté des éclairages précieux. La présentation de Numelyo par la Bibliothèque municipale de Lyon, avec son approche innovante de l’accessibilité et de la gratuité de l’information via des logiciels libres, a été un exemple inspirant de ce que le numérique peut offrir. Enfin, la session de lecture contée par des Drag Queens de l’association Les Paillettes a prouvé avec brio qu’audace et divertissement peuvent être de puissants vecteurs pour aborder des sujets sociétaux sensibles et stimuler l’esprit critique de manière originale.

Au-delà des débats, ces journées ont été l’occasion de découvertes concrètes grâce aux différents stands proposés. Ma mission était claire : repérer des informations et des produits pertinents pour ma bibliothèque, que ce soit en termes d’actions culturelles, d’aménagements innovants ou de nouveaux produits destinés à optimiser nos services.

Ces rencontres professionnelles sont aussi, et surtout, l’occasion de rencontrer des collègues venant de différents horizons. Échanger avec d’autres professionnels, partager des expériences et des défis similaires est toujours une source de réconfort et de nouvelles idées. Mention spéciale pour un bibliothécaire de Tarbes 😊 !

Cependant, je dois exprimer un léger regret : le salon est très majoritairement orienté vers la lecture publique. Cette surreprésentation des établissements et des intervenants, surtout citadins, laisse peu de place aux spécificités des bibliothèques rurales et, plus encore, à celles du monde de la recherche. Pour les professionnels issus de ces contextes, un équilibre plus marqué permettrait un repérage et des échanges encore plus pertinents.

Malgré ce bémol, je repars de Montreuil avec une vision plus riche, plus complexe et plus inspirante du métier de bibliothécaire. Ces journées ont renforcé ma conviction que les bibliothèques sont, plus que jamais, des lieux vivants, essentiels et en constante réinvention, jouant un rôle capital dans la démocratie et l’accès au savoir pour tous 😊

Mikaël Brient

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *